extrait du chapeau cloche

Son cœur battait la chamade. Tout était fixé. Elle repassait en revue les moindres détails de sa fuite, tout en s’efforçant de paraître le plus naturel possible. Surtout ne pas éveiller les soupçons… Ernestine avait dû croire sur parole son histoire de couturière, car rien n’avait transpiré en cuisine. Le sac de voyage avec un trousseau de survie était en lieu sûr, à la consigne de la gare. Il lui restait à écrire un mot rapide à Armand dont elle avait déjà rédigé mentalement le texte :

« Cher Armand,

Notre vie commune est un enfer. J’ai trahi votre confiance et vous me méprisez, vous me haïssez peut-être… Si grave que fût ma faute, celle que je vais commettre l’est encore bien plus : je vous quitte. Je vais me rendre utile au service de ceux qui souffrent. J’ai décidé de devenir aide auxiliaire et de partir au front soigner nos blessés. Ne tentez pas de venir me chercher. Je ne veux plus vivre auprès de vous. Nous nous faisons mutuellement du mal. Ce n’est pas du tout ce que nous avions promis devant Dieu. Je vous demande infiniment pardon pour le tort que cette action d’éclat ne manquera pas de vous causer aux yeux de vos connaissances. J’en assume toute la responsabilité.

Portez vous bien et oubliez moi,

Blanche 

PS : J’ai pris trois mois d’avance sur mon allocation mensuelle. Je vous les rendrai dès que je le pourrai.»

 

Elle n’avait pas fermé l’œil de la nuit. Une nuit qui lui avait paru interminable. Elle entendait près d’elle les ronflements réguliers d’Armand. Blottie sur un coin de lit pour éviter de toucher son grand corps, elle répétait le rôle qu’elle s’apprêtait à jouer. Rien n’avait été laissé au hasard et tout était minuté…