Au Pays d’Aristide Bruant

contobruantAu pays du grand chansonnier

 

« Un homme rude et bon ». Voilà ce que disait de lui, Yvette Guilbert dans ses mémoires.

Rude pour lui-même, il le fut tout au long de sa vie : luttant d’abord contre une grande timidité, ne se ménageant pas, travailleur consciencieux et exigeant, il suivit sans faillir le chemin qu’il s’était tracé.

Rude avec les autres : ceux qu’il méprisait pour leur indifférence ou leur snobisme, ou ceux qu’il aimait et dont il voulait obtenir le meilleur, tels son fils et ses employés. C’était un meneur d’hommes, un chef qui dissimulait sous une apparence volontairement bourrue, un cœur d’or, une sensibilité à fleur de peau.

Rançon de la réussite, d’aucuns le jalousèrent. On lui reprocha même d’avoir beaucoup gagné en chantant la misère du peuple.

Or, si ses poèmes s’étaient nourris de cette misère, c’était pour mieux la transcender avec les mots justes que son indéniable talent lui dictait.

Et comment mettre en doute sa sincérité quand, au terme de son existence, il évoque la motivation première de son œuvre ? Il est alors un véritable mythe vivant, n’ayant plus rien à perdre ni à gagner…

Il explique qu’ému par l’effroyable détresse des déshérités qu’il avait côtoyés et appris à aimer, il avait voulu plaider leur cause en clamant leur désespérance. Ses chansons lui avaient servi de support pour faire passer un message, pour témoigner et faire prendre conscience.

Son grand mérite, c’est d’avoir fixé sur le papier une époque avec ses faiblesses, ses souffrances, ses joies, et surtout d’avoir choisi de mettre en lumière une population mal connue, avec son langage et ses codes spécifiques. Sans les tableaux d’un grand réalisme qu’il en brossa, cette société des bas-fonds et des miséreux des banlieues serait aujourd’hui tombée dans l’oubli.

Dans ses chansons naturalistes, les grands courants de pensée de l’époque transpirent : on y retrouve l’anticléricalisme, l’esprit revanchard, et même l’antisémitisme, car Bruant était, avant tout, un homme de son temps, un spectateur, un témoin, un peintre de l’éternel humain confronté à la réalité de son siècle.

Il voulait se faire l’avocat des humbles et des déchus.

Quel plus bel hommage pouvait-il rendre à Nini Peau de Chien, Toto Laripette et tous les autres enfants du macadam que de les immortaliser ? Mission accomplie…