Extrait d’Emma

Extrait du Voyage d’Emma

« Une goutte très fine, puis deux glissent sur son front, une autre sur sa main. Ce n’est qu’un petit grain tropical qui s’annonce. Elle reste là, immobile, acceptant cette ondée bienfaisante et purificatrice qui pique sa robe de petites taches foncées. Elle se sent trop bien pour se lever, merveilleusement bien… Les plantes ont besoin de chaleur et de pluie, songe-t-elle en souriant, moi aussi !

Le nuage passé, le soleil revient éclatant et la chaleur moite fait bouger la main d’Emma qui se tend pour saisir le verre d’eau posé sur un plateau à côté du transat. Elle le porte à ses lèvres, en boit quelques gorgées et le repose machinalement, sans regarder. Le verre glisse heurtant un paquet de lettres et le reste du contenu s’y renverse. Emma en prend conscience en entendant un bruit sec et ses doigts perçoivent l’humidité sur le papier, mais elle ne fait rien pour tenter de réparer les dégâts et essuyer les missives dont l’encre se dilue et coule en une grosse tache violette.

Elle étire ses jambes, sa tête se penche de côté, ses membres s’alourdissent, son souffle devient court, Emma dort. La légère brûlure d’un rayon de soleil sur sa main vient la sortir du rêve ailé qui l’a, un instant, transportée au-dessus des flots. Elle s’était sentie si légère qu’elle avait suivi le vol d’un colibri d’alpinia en alpinia jusqu’aux grands tamariniers de la côte, puis elle avait frôlé la surface de l’eau, accompagnant le balancement hésitant du Malfini, elle s’était laissée tomber sur la crête de vagues qui l’avaient portée jusqu’au sable chaud de la plage où elle avait échoué… En se réveillant, Emma cherche à nouveau le verre qui gît sur le plateau tressé. Elle se relève légèrement, prenant appui sur un coude, elle se penche et constate l’état du courrier. Les deux lettres du dessus de la pile ne sont même pas décachetées. L’encre a séché, mais une grande tache auréole le timbre et a effacé partiellement l’adresse griffée de la fine écriture d’Henry.

Va-t-elle se décider à les ouvrir ces deux lettres reçues à quinze jours d’intervalle ? «